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Performance: 5 étoiles
Sonics (MC): 5 étoiles

… Voici un des SACD que je pense pouvoir recommander sans réserve à TOUT lecteur de ce site Web aimant la musique classique. J′irai personnellement jusqu′à dire que c′est l′enregistrement le plus marquant, au niveau du son, que j′aie écouté depuis l′apparition des supports multicanaux - et même de toute ma vie d′adulte, depuis que j′écoute des disques (ce qui fait 30 ans).

Pourquoi ? Nous avons ici une utilisation potentiellement révolutionnaire de l′idée relativement nouvelle de la technologie multicanal dans le domaine de la musique classique enregistrée. Nombre d′entre vous connaissent déjà le nom du label - TACET, une petite structure indépendante basée à Stuttgart (Allemagne). Voilà plus de sept ans maintenant qu′Andreas Spreer, son fondateur, Tonmeister et producteur, expérimente dans le domaine du son multicanal, ce qui l′a conduit à développer ce qu′il appelle le "TACET Real Surround Sound".

De quoi s′agit-il ? L′idée de base est qu′on n′utilise PAS ASSEZ les canaux arrière dans les enregistrements classiques multicanaux traditionnels. " On n′utilise pas à plein les possibilités du support SACD ", explique Andreas Spreer. Son approche consiste à définir avec soin les configurations de microphones les mieux adaptées à l′œuvre à enregistrer, puis à utiliser les canaux arrière le plus activement possible dans le mixage final, en y envoyant des instruments (séparés ou en groupe) de façon dominante - ce qui ouvre l′image acoustique dans la mesure des 5 enceintes (identiques) du système d′écoute 5.0 ou 5.1.

Au début, j′étais très sceptique : il serait SÛREMENT artificiel d′entendre des instruments arrivant à mes oreilles en provenance de l′arrière. L′interprétation semblerait SÛREMENT découpée par sections sans souci du réalisme ? Tout cela me semblait un gimmick, une invention factice…

J′ai ensuite acheté le DVD Audio TACET consacré à un programme de quatuors à cordes français (Debussy, Fauré, Ravel) - selon les cas, les enregistrements multicanaux TACET sont publiés sur DVD-Audio ou SACD, parfois les deux. J′ai été immédiatement séduit. Effectivement, les duqtre instruments du quatuor sont nettement spatialisés (premier et deuxième violons dominants dans les enceintes avant gauche et droite, alto et violoncelle dans les canaux arrière gauche et droit). Expliqué ainsi, ce parti pris semble bizarre ; à l′écoute, l′impression est merveilleuse, et merveilleusement musicale. L′effet obtenu n′est absolument pas agressif, ni artificiel - au contraire, il est très intime, et vous attire en toute confiance vers la musique -, et met en évidence, d′une façon que je n′ai jamais expérimentée auparavant, toutes les nuances, les jeux de questions/réponses et les parcours des thèmes entre les différents instruments. Comme l′explique Andreas Spreer : " L′emplacement des musiciens peut sembler artificiel, mais le son ne l′est pas du tout ! ". On ne peut mieux dire… Ce qui ne gâte rien, les interprétations de Debussy, Ravel et Fauré que livre le Quatuor Auryn sur ce disque sont d′un niveau exceptionnel : je le classe sans conteste comme l′enregistrement le plus fin de ma discothèque personnelle, qui compte plusieurs milliers de disques noirs, de CD, de SACD, etc. Ce disque possède un son d′une grande chaleur, qui vous invite littéralement à apprécier la musique, d′une façon positive.

Mais cette technique multicanal fonctionne-t-elle dans le cas, plus difficile, de la prise de son d′un orchestre symphonique, dans les deux symphonies de Beethoven publiées sur le tout nouveau SACD TACET ?

C′est le cas. La répartition des instruments entre les cinq enceintes diffère légèrement entre la Septième et la Huitième symphonies, mais de façon générale, ce sont les vents et les timbales qui prédominent dans les canaux avant, les cordes graves et les trompettes dans les canaux arrière, et les premiers et seconds violons entre les deux. Dans la Septième, les premiers et seconds violons sont déployés gauche/droite, afin de mieux mettre en valeur l′approche antiphonique de Beethoven dans l′écriture des deux sections. Encore une fois, avant d′écouter le SACD, j′avais un peu peur que tout cela ne sonne trop inventé, trop artificiel. Ce n′est absolument pas le cas. Vous vous trouvez approximativement à l′emplacement du chef d′orchestre sur son podium. La magie provient du fait que, pour une raison que j′ignore, la musique ne vous arrive pas dessus avec agressivité, comme je l′aurais cru quand on se trouve vraiment au milieu de l′orchestre, avec un bâton remuant furieusement devant son nez. La musique se déploie tout simplement autour de vous, sans vous distraire en aucune façon de la substance elle-même. Au contraire : comme avec le disque consacré aux quatuors français, vous avez l′impression de vous rapprocher de la musique, de ses secrets, percevant des détails jamais entendus jusqu′alors, ou jamais vraiment appréciés. On se rapproche bien davantage du processus créatif lui-même, plus près des intentions même de Beethoven lorsqu′il a conçu et écrit cette musique.

Mais je vous entends dire : " On n′entend SÛREMENT pas comme ça quand on se trouve dans la salle de concert ?!? ". C′est vrai. Mais, comme le ferait remarquer Andreas Spreer, l′image sonore perçue quand on écoute un enregistrement stéréo, si bien effectué soit-il, n′a elle non plus rien à voir avec la réalité…

Il a raison. Au final, TOUS les enregistrements sonores sont artificiels - rien à voir avec ce qu′on entend réellement quand on va à l′opéra ou au concert. L′argument d′Andreas Spreer est qu′on devrait TOUTES les possibilités du support multicanal pour créer des situations d′écoute gratifiantes pour l′auditeur dans son fauteuil. " Ce qui me guide ", écrit-il, " est toujours la partition elle-même " ; il cherche " à confirmer à quel point on peut trouver nouveau et passionnant des œuvres avec lesquelles on est déjà familier ".

Telle était exactement ma réaction en écoutant ces versions des symphonies de Beethoven. Elles sont splendides : tendues, vitales, énergiques, interprétées avec brio par l′orchestre polonais, sous la direction de Wojciech Rajski.

Les révélations et les sources d′enthousiasme qu′apportent la prise de son multicanal TACET sont trop nombreuses pour en dresser une liste détaillée. Un seul exemple : dans le finale de la Septième, l′excellence de l′interprétation et l′effet viscéral obtenu par la prise de son TACET contribuent à créer une expérience d′écoute à la fois enveloppante et réjouissante. On sent vraiment le génie de la musique brûler de très près.

En conclusion : aucun autre label, à ma connaissance, ne fait ce que fait TACET, et je ne peux que recommander ce SACD à votre attention. Pour moi, l′amélioration apportée par rapport à des enregistrements SACD conventionnels, même de très bonne qualité, est supérieure à celle apportée par le CD par rapport au disque noir (pour ceux qui pensent que le CD est meilleur que le disque noir - mais c′est un autre débat), par la stéréo par rapport à la mono (même remarque), et peut-être même que le disque microsillon par rapport au 78 tours.

Comme je l′ai dit : nous avons là une révolution potentielle. Achetez, écoutez sans idée préconçue, et j′espère que vous apprécierez.

[NOTE TECHNIQUE : Vous déduirez de ce que j′ai écrit ci avant que les enceintes arrière doivent être de qualité très similaire aux enceintes avant. En fait, dans l′idéal, les 5 enceintes de votre configuration multicanal devraient pouvoir reproduire tout le spectre audible. Si vos enceintes arrière sont d′une qualité inférieure aux enceintes avant, vous n′obtiendrez pas pleinement l′effet désiré].

[P.S. Le SACD propose également une version stéréo de l′enregistrement, effectuée avec un simple couple de micros à lampes " vintage " Neumann M49 tube microphones, sans aucun transistor dans le chemin du signal]."

Terence Blain



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